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Introduction Au Bonus Du Stage De Paris 2016/01

Il ne fait guère de doute maintenant[1] que le jeune F.M. Alexander a reçu un enseignement extrêmement précis sur le ‘Système Delsarte’[2] et qu’il l’avait pratiqué de longs mois devant ses miroirs pour améliorer sa gestuelle expressive, avant de découvrir à quel point cette démarche éducative visant à développer le contrôle gestuel conscient pouvait servir de catalyseur d’une amélioration générale du fonctionnement de l’organisme.

Malheureusement, Alexander n’a jamais reconnu son héritage Delsartien et le Système Delsarte s’est perdu au fil des années, au moins pour ce qui concerne l’enseignement “de la pratique” de l’entrainement gestuel. C’est en étudiant les textes du jeune F.M. Alexander pour comprendre comment il avait pu changer son emploi de sa structure anatomique sans aucune aide – sans aucune manipulation transmise par un professeur– que j’ai rencontré les théories de Delsarte.

Dans son enseignement gestuel révolutionnaire, Delsarte utilisait des “ordres” (des instructions verbales), mais ces ordres s’appuyaient sur des dessins et des diagrammes qui leur donnaient une signification spatiale non-équivoque. Alexander n’a pas jugé bon de conserver ce pilier de la pédagogie de Delsarte, ce qui l’a sans doute conduit, bien plus tard (1917), à insister de plus en plus sur les manipulations pour transmettre une organisation appropriée des parties de l’organisme.

Dans la technique Alexander initiale, technique d’entraînement gestuel sans manipulation, j’ai voulu revenir à une pédagogie beaucoup plus proche de la technique que F.M. enseignait au tout début du XIXe siècle et qui parsème tous ses livres : dans les cours de iAt, nous appliquons la même approche que celle que le jeune F.M. Alexander avait utilisée pour changer ses propres habitudes posturales : c’est pourquoi les schémas sont indispensables pour travailler sur soi-même.

Je vous avais promis de vous transmettre ces moyens qui donnent du sens aux instructions par lesquelles il est possible de transformer notre emploi des parties du corps, mais avant de vous donner les diagrammes inspirés par le “système de codage d’action” de Delsarte, je voudrais situer les concepts fondamentaux qui permettent de comprendre le travail dynamique que je vous ai proposé au moyen de ces schémas. En effet, il est probable que l’aspect statique des dessins puisse vous faire penser à une forme fixe, une norme rigide pour tous qui n’a rien à voir avec la recherche de mobilité mentale et physique qui est au cœur du travail. Au contraire, cette présentation théorique vous rappellera qu’il ne s’agit pas d’un modèle rigide, mais d’un moyen par lequel développer la liberté d’expression en surmontant les limites de notre volonté pratique grâce à la gouverne et au contrôle conscients.

Si toutefois vous souhaitiez faire l’impasse sur ces précisions théoriques et “sauter” directement à la pratique, allez ici

Dans ses livres, Alexander propose de transmettre à son élève les moyens de la gouverne et du contrôle conscients de l’usage de la structure anatomique, sans jamais définir précisément ces concepts de ‘gouverne et de contrôle conscients’.

Des mécanismes contrôlés consciemment (gouverne et contrôle conscients) sont essentiels au développement et au progrès satisfaisants de l’homme vers les stades supérieurs de son évolution, et vers ce fonctionnement vital adéquat de son organisme physique ou mental. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 121)

Pour tirer le meilleur parti de ce travail, il est fondamental d’en comprendre ses concepts fondamentaux et de pouvoir les discuter avec nos élèves.
Je vais donc résumer ici les caractéristiques différentes du guidage et du contrôle de la structure anatomique humaine.

Comprendre la gouverne et le contrôle conscients

À la différence de l’animal, l’homme dispose d’un intellect pratique qui, s’il ne s’appuie plus du tout sur les directives de l’instinct –avec toute la justesse des mouvements que l’on constate chez l’animal–, peut justement évoluer, s’adapter et se développer dans toutes les dimensions et dans toute nouvelle activité, tout au moins en théorie. En pratique, il est assez évident que nous sommes souvent limités par des habitudes physiques et mentales que notre intellect pratique tend à construire automatiquement.

En ce qui concerne nos attitudes dans le repos ou l’action et nos réactions posturales, notre intellect pratique est souvent bloqué à un niveau de développement minimal.

Delsarte et Alexander ont vu dans nos difficultés à exprimer notre immense registre potentiel un symptôme d’une nécessité d’élever notre mécanisme de guidage, notre intellect pratique, à un stade qui permettrait de surmonter nos habitudes physiques et mentales[3] et d’assurer une gestuelle respectant les besoins fonctionnels de notre organisme. Cela vous paraîtra sans doute surprenant, mais ils ne voyaient pas l’amélioration du genre humain dans une nouvelle morale, une nouvelle religion ou dans la simple éducation scolaire ; leur solution passait curieusement dans un ré-apprentissage du contrôle gestuel quotidien.
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Le type de modèle mental utilisé détermine la qualité de la gouverne

Chez Alexander, le modèle mental utilisé pour le guidage des ‘actes physiques’ utilisé par notre intellect pratique est présenté sous le nom de “Gouverne”. Le terme de “gouverne” est passablement vieilli ; il indiquait alors “ce qui sert de ligne de conduite et l’action de se diriger de telle ou telle manière”. (voir source internet cnrtl)

Ce modèle mental peut être de nature sensorielle principalement, dépendant de la structure de la perception de l’individu, comme dans le cas de la gouverne subconsciente ou il peut être de nature conceptuelle pour la gouverne consciente, incluant à la fois :

  • des indications de relations se rapportant à des lois non perceptibles directement, et
  • des principes contre-intuitifs (des principes que l’expérience immédiate ne pourrait pas justifier).

Sans doute pour simplifier le tableau du développement de l’intellect pratique en fonction de la nature des modèles qu’il utilise, F.M. Alexander envisage simplement deux cas de figure que je vais définir tour à tour :

  • la gouverne subconsciente associée à des automatismes rigides (habitudes de pensée et d’action) qui est le fruit de l’emploi de l’intellect pratique élémentaire, et,
  • la gouverne consciente qui ouvre la porte à une adaptabilité raisonnée dans toutes les situations, mais qui survient uniquement par un apprentissage :
    • de la construction et de l’emploi de l’intellect pratique supérieur, et,
    • de l’emploi simultané d’instructions verbales multiples.

Cet article et le travail qu’il recouvre tendent à démontrer que le type de modèle mental que les individus utilisent pour le guidage des actes physiques détermine le niveau de réalisation et la qualité du fonctionnement physique et mental dans l’activité.

La finalité de la technique Alexander initiale et des schémas qu’elle offre aux élèves est de favoriser le passage d’un modèle mental élémentaire (responsables des défauts et du manque d’adaptabilité gestuelle) à un modèle mental supérieur que notre intellect pratique va employer pour gouverner notre présence physique au monde.

Je vais maintenant faire la description des deux gouvernes, de leur nature. L’objectif de cette présentation est de préciser comment discriminer leurs effets respectifs et les illusions qui nous guettent si nous ne sommes pas capable de faire la différence entre les deux dans notre activité pratique. Dans un troisième temps seulement, après avoir montré comment il est possible de passer de la première à la deuxième, je vous donnerai les dessins schématiques et tous les moyens intellectuels qui permettent de travailler à la réalisation de votre gouverne consciente (si vous êtes trop pressés, vous pouvez aussi sauter les explications et aller directement ici).

Voici la justification que F.M. Alexander donne au travail intellectuel de discrimination entre les actions principalement subconscientes et celles qui sont principalement consciente.

Du fait du manque de discrimination entre les actions raisonnées (conscientes) et non raisonnées (subconscientes ou partiellement conscientes), le sujet souffre de diverses formes d’illusions ‘mentales’ et ‘physiques’, notablement en ce qui concerne les actes ‘physiques’ qu’il exécute.
En guise d’exemple frappant d’une illusion dans des actes ‘physiques’, prenons le cas d’une personne qui croit qu’elle est simplement en train de vaincre ce qu’elle considère comme une inertie essentielle, alors qu’en réalité, elle lutte contre la résistance d’une action musculaire antagoniste excessive qu’elle exerce elle-même, une résistance dont elle ne se rend pas compte consciemment.
Dans tous les cas de ce type, il existe un conflit constant entre deux grandes forces, l’une (subconsciente) destinée à exercer des pouvoirs directifs suprême durant les phases précoces de l’évolution humaine, et l’autre (consciente) destinée à surmonter cette direction limitée et à se révéler finalement le guide fiable à travers les stades de plus en plus élevés du grand schéma de l’évolution qui amène à la pleine jouissance de ses potentialités. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 150)

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La gouverne subconsciente ou “intellect pratique élémentaire”

La gouverne subconsciente ou ‘intellect pratique élémentaire’ ne met pas en œuvre un modèle explicite, une intention mentale finement décomposée qui définit les moyens et le caractère de l’activité (Marx, 1867). L’activité est simplement totalement dépendante du mental primitif des sensations, le mental irréfléchi, tel qu’il s’oppose au mental réfléchi (Dewey, J., p.21[4]). L’individu “sent” ce qui est juste pour lui, ce qui le repose, ce qui est possible ou non selon son expérience.

Les différentes parties de chaque geste, en particulier les différents ajustements des parties du torse, qui apparaissent sous la conduite de la gouverne subconsciente, sont automatisées et associées strictement à certaines activités. Cela signifie que l’individu ne sait pas comment il organise les différents mouvements des parties de son torse, ne sait pas changer sa manière d’utiliser le torse vis-à-vis des membres, n’imagine même pas que le torse puisse être dirigé et rééduqué. L’emploi des différentes parties du torse (en particulier) n’est pas réfléchi.

Ce fait peut être testé très facilement. En effet, l’intellect pratique est directement lié à la volonté pratique de l’individu. Ainsi, celle-ci s’applique tant qu’elle doit commander des gestes habituels à partir d’une instruction unique (“je veux me lever, étendre le bras, me redresser, marcher…”), mais lorsqu’il s’agit de commander un de ces mêmes gestes en mettant en relation de façon inhabituelle plusieurs parties de l’organisme, en particulier des parties du torse, elle devient aussitôt impuissante et facilement désorientée par la moindre sensation.

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L’origine de l’intellect pratique

Cet intellect pratique élémentaire apparaît chez l’enfant avant l’intellect verbal, selon les travaux des primatologues Bühler et Köhler rapportés par L.S. Vygotsky. (Voir Lev S. Vygotsky )[5]

L’intellect pratique élémentaire permet au primate [et à l’enfant entre 7 mois et 12 mois] de façonner et d’utiliser des outils simples. Il restera aussi principalement utilisé par l’enfant pour diriger et contrôler sa structure anatomique, et cela même après avoir appris à parler. Tout se passe comme si la structure anatomique humaine était simple, simple à employer comme chez le primate –alors que chez ce dernier, la situation est toute différente comme c’est l’instinct qui dicte l’emploi des différentes parties de son l’organisme.

Alors que son éducation dans l’emploi des outils va se faire par l’intermédiaire des conseils raisonnés des adultes qui vont le guider pas à pas de façon spécifique, il en est tout autrement dans le cadre de sa gestuelle propre, de son apprentissage de l’équilibre qui demande une direction globale de l’organisme. Dans l’apprentissage de l’emploi de sa structure anatomique, l’enfant est laissé seul et il doit se débrouiller avec les piètres auxiliaires que sont l’imitation et les tâtonnements (essais et erreurs). Alors que l’organisme humain fait partie des instruments les plus raffinés et complexes qui soient connus, rien n’est fait pour l’aider à raisonner son emploi.

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L’intellect pratique élémentaire et le système sensoriel de guidage

Comme je l’ai rappelé, l’enfant apprend à s’asseoir, à marcher sans aucune direction raisonnée. Il imite, il résout des problèmes d’orientation des parties de sa structure et de direction musculaire au petit bonheur la chance, sans aucune connaissance des capacités de son organisme, tant au point de vue physique que mental. Cette base posturale n’est pas remise en question quand on lui apprend à écrire, à lire, etc. alors que toute sa scolarité va se dérouler dans la position assise.

Il est de toute première importance de se rappeler que chez la plupart des gens, la direction de leur usage d’eux-mêmes est habituelle et instinctive. Ainsi, lorsque le consentement a été donné de réagir au stimulus d’effectuer un certain acte, ils vont l’accomplir, comme nous l’exprimons, «instinctivement», c’est-à-dire, sans aucune conception raisonnée concernant la direction de l’usage des mécanismes qui peut être requise pour son exécution satisfaisante. (Alexander, F.M., L’Usage de Soi, 1934, Trad. Masoero, J.D., p. 56)

Les enfants exécutent des actions pour atteindre des buts désirés (des effets) dans l’environnement. Par exemple, en appuyant sur un bouton, ils voient la lumière apparaître. L’enfant forme ainsi un lien pré-intellectuel entre une action et un effet. Il s’agit d’une abstraction extrêmement étroite qui occulte complètement le mécanisme réel qui est mis en jeu, dans ce cas les concepts relatifs à l’électricité, aux corps conducteurs, aux circuits fermés ou ouverts, etc. Les pré-conceptions que l’enfant forme sur ce modèle n’enferment aucune participation des processus logiques. Il en va de même pour la conception de l’emploi des parties du corps. La justification d’un geste est implicite, elle existe et se justifie d’elle-même : “j’ai une cyphose”, “je suis facilement fatiguable” ou “je ne suis pas souple” sont des idées préconçues, des concepts pré-intellectuels qui représentent principalement des incompréhensions des causes et des conséquences en ce qui concerne la direction et le contrôle de l’organisme humain.

Prenons maintenant le cas d’une action répétitive, comme la façon de s’asseoir.
C’est assis sur une chaise que l’enfant va apprendre à écrire. Ce qui compte est évidemment d’atteindre le but, à savoir former des lettres, car l’enfant “sait” s’asseoir depuis plus de quatre ans. Voit-on pour cette simple action l’enfant se mettre en danger, distorde sa structure anatomique et écraser son thorax, se raidir dans cette attitude en totale contradiction avec les besoins de son organisme pour tenir sa main fermement et réussir à former ses lettres ?
gouverne sensorielle

Peu importe ! De la sorte, il réussit à obtenir le résultat désiré.

Les sensations que ses actions sur son torse et ses membres produisent (ses sensations kinesthésiques) vont être associées à l’obtention du résultat. Ces sensations seront justes pour lui pour obtenir le but recherché et il n’aura de cesse de les reproduire pour diriger son activité d’écriture et d’assise. De la sorte, son système kinesthésique, c’est-à-dire ses sensations internes de la position et des mouvements du corps, va se forger de façon aberrante et déviante.

De toute évidence, ce qui n’est pas associé à ces actions dans son intellect pratique, ce sont les effets à long terme sur ses mécanismes de guidage de cette association entre les mouvements des parties de son torse et le fonctionnement de son organisme. La sensation de tension que l’enfant associe au résultat recherché et qui va devenir pour lui le point de repère de son activité future se trouve être complètement fausse pour le bon fonctionnement de son organisme : s’il doit écrire de longues heures, il se peut même qu’il souffre de tendinites, de fatigue générale, de domination par des sensations illusoires, en bref, qu’il soit victime de la domination de son appréciation sensorielle sur son intellect pratique.

Toutes les personnes dont le système kinesthésique est dégradé et manque de fiabilité développent quelque forme d’anormalité ou de perversion des sensations. Le point qui présente une réelle importance est d’éliminer et de prévenir cette condition kinesthésique de façon à rendre impossible chez l’individu une telle domination par la sensation. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 71)

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L’intellect pratique élémentaire n’est pas inné

Bien évidemment cet intellect pratique élémentaire n’est pas inné. Il se construit en fonction des expériences de l’enfant. L’enfant ne sait faire que selon ce qu’il sent (ce qu’il sent comme habituel) et il structure ainsi des conceptions pré-verbales sur la manière d’utiliser sa charpente qui restent au niveau d’une “physique naïve” et d’une psychologie de comptoir.

Dire que l’intellect pratique élémentaire se construit ne signifie pas pour autant qu’il s’affine et qu’il s’améliore, ouvrant la porte à une exploration intrépide des ressources du mécanisme postural et de la charpente anatomique. C’est tout le contraire qui se passe en réalité.

La première et certainement la plus dangereuse des pré-conceptions sur le mouvement humain est l’idée selon laquelle tout ce qui est nécessaire pour le guidage et la conduite de l’organisme est la sensation immédiate produite par le mouvement ; Alexander est formel sur le sujet :

je vais examiner ce que je crois être le premier et le plus grand obstacle à un contrôle conscient de soi – à savoir, la «rigidité d’esprit». Cette rigidité résulte en une habitude de pensée fixée et ses maux concomitants, parmi lesquels on trouve la sujétion des habitudes fonctionnelles et musculaires au contrôle subconscient. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 57

Les habitudes fonctionnelles –la manière d’organiser les parties de l’organisme– sont à ce stade directement liées aux sensations éprouvées, mais la manière d’employer les parties, si elle est construite sur des modèles qui sont contraires au bon fonctionnement de l’organisme, va créer une distorsion de plus en plus grande du mécanisme sensoriel de guidage : c’est un cercle vicieux. La personne se sent juste alors qu’elle écrase son torse et toute tentative qu’elle pourrait faire pour allonger sa structure lui paraîtra fausse, contraignante ou même épuisante : toute son expérience pratique tend à confirmer son habitude et elle se retrouve ainsi enfermée dans ce qu’Alexander appelle la “rigidité d’esprit” et la croyance dans ses sensations.

L’intellect pratique élémentaire va certes se voir influencé par l’intellect verbal qui va se développer de façon exponentielle avec l’école, mais il reste rudimentaire ; il implique un guidage direct, dépendant uniquement des informations sensorielles pour répertorier des connexions mécaniques et élaborer des solutions mécaniques pour atteindre les fins. Que ce soit dans l’équilibre nécessaire pour l’utilisation d’objets servant d’outils et encore plus dans l’usage des parties de la chaîne posturale pour agir, le guidage de l’activité motrice est implicite et automatique.

Pour ce qui est du contrôle de l’activité, le stade subconcscient n’apporte aucun élément nouveau susceptible d’amener une remise en cause des schémas établis. Dans l’activité motrice quotidienne, seuls les sensations perçues et les résultats extérieurs immédiats sont responsables de l’évaluation de ce qui est juste ou faux ; malheureusement, le critère de justesse n’est pas absolu (relié à ce qui serait juste pour le fonctionnement de l’organisme); il est relatif à ce qui est habituel pour l’individu.

  • Vous l’aurez deviné, le concept de l’excellence du contrôle moteur chez le jeune enfant est une aberration pour la Technique Alexander initiale. Tous les défauts moteurs que l’on retrouve chez les adolescents sont déjà présents à l’état embryonnaire chez l’enfant d’un an et demi. L’enfant n’a aucune conscience du fait que ses techniques d’équilibre postural incluses dans sa programmation de ses mouvements sont catastrophiques pour son fonctionnement biomécanique et mental futur. Il ne connait que les contractions musculaires de raccourcissement et la relaxation musculaire pour diriger les parties de son organisme, car ce sont les deux seuls leviers disponibles (du fait de leurs effets sensoriels) pour la gouverne subconsciente.

Quand il apprend à se reposer et à se mouvoir, l’enfant ignore toutes les lois physiques et psycho-mécaniques. Et, de toute évidence, l’apprentissage de ces lois ne découle en rien de sa pratique assidue de son propre organisme, comme le prouve le mauvais usage du mécanisme postural qui est si commun dans notre société. La seule loi que l’intellect pratique élémentaire connaisse est celle du se sentir bien.

Le plus grave défaut de l’intellect pratique élémentaire est d’être limité à des adaptations spécifiques, c’est-à-dire de ne pas avoir de moyens pour appréhender la totalité de l’organisation des parties de l’organisme (en particulier des parties du torse) et sa préservation. Les sensations locales sont vives et focalisent la volonté, alors que la sensation des rapports entre l’ensemble des parties est diffuse, floue et inopérante. Pour Alexander, nous adaptons sans cesse nos mécanismes d’une manière spécifique parce que nous nous fions avant tout à nos sensations, sans nous rendre compte que l’organisation de la totalité est fondamentale pour l’autopréservation de l’organisme. Pour obtenir une performance immédiate dans des actes comme écrire, lire ou courir, notre société a oublié la direction générale des parties du torse et de l’ensemble de l’organisme. [6]
Pour Delsarte et Alexander, l’intellect pratique élémentaire est le responsable de la détérioration générale de la coordination humaine.

Chez l’individu, les processus normaux d’éducation dans l’usage de la structure anatomique sont conduits de façon subconsciente. Certains instincts commandent certaines fonctions, pendant que d’autres fonctions sont conduites délibérément. Les effets de ce processus mené au hasard doivent être soit repris dans les détails soit décomposés, suivant les défauts établis par le mauvais usage des mécanismes. Le premier pas dans la rééducation consiste à établir dans l’esprit de l’élève la connexion qui existe entre cause et effet dans chaque fonction du corps humain. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 161)

L’intellect pratique élémentaire apprend par répétition

L’intellect pratique élémentaire fabrique par répétitions d’expériences des automatismes sensori-moteurs qui mobilisent la totalité des parties de l’organisme dans les réactions posturales. Ces solutions de coordinations stéréotypées – qui ne sont pas raisonnées et qui ne sont pas accessibles à l’analyse et au raisonnement– forment les conceptions de ce qui est faisable et de ce qui ne l’est pas : par exemple, si vous avez un comportement scoliotique ou cyphosique, cette organisation des parties du torse entre dans tous les gestes de votre vie terrestre – vous pouvez certes vous adapter de façon spécifique, modifier par exemple la tension de votre poignet et des doigts sur un outil, mais ce faisant vous ne touchez pas le mécanisme central et, pire, vous entraînez un peu plus votre habitude générale d’écrasement du torse. Cela explique pourquoi la plupart des élèves pensent que les ajustements inadéquats [scoliose, cyphose, lordose] du torse sont inamovibles, comme une maladie terminale ou une marque de la personnalité.

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Conclusion :

L’intellect pratique élémentaire ou gouverne subconsciente marque le règne de la sensation et de l’intuition ; son aboutissement est le manque d’adaptabilité, la rigidité intellectuelle, et la faiblesse de la volonté pratique.

Comme le mécanisme postural n’est pas pris en compte dans les préconceptions de l’activité comme du repos, c’est aussi le règne des fixations articulaires, des mouvements instables, des raccourcissements de la stature et de l’écrasement chronique de la structure thoracique et abdominale.

Dans les gestes de l’activité comme dans ceux du repos, l’homme moderne est guidé par son intellect pratique élémentaire –il organise les parties de son torse en fonction de ce qu’il sent– et, en conséquence de ce manque de niveau de qualité de la direction et du contrôle effectifs, ses actes et son emploi de l’organisme sont en contradiction avec son besoin fondamental d’autopréservation[7] et d’adaptation rapide à de nouvelles conditions. Ses propres actes moteurs l’irritent, le fatiguent et le diminuent.

Ce guidage par la sensation propre aux phases élémentaires de l’intellect pratique est le ‘guidage subconscient’ chez F.M. Alexander.
Il existe au moins quatre raisons selon lesquelles le guidage direct de l’intellect pratique élémentaire devrait être remplacé par un mode tout à fait nouveau :

  1. Le guidage direct conduit à des raidissements croissants, à un manque de fluidité articulaire et une diminution progressive dans la précision du guidage des parties. À long terme, le guidage direct nuit à la qualité de nos mouvements et de notre repos, et à notre confiance dans notre adaptabilité ;
  2. Le guidage direct ne sait pas favoriser le système de régénération de l’organisme humain ; toutes les réactions posturales tendent à favoriser les contractions musculaires de raccourcissement, à écraser la stature et à augmenter la pression intra-abdominale et intra-thoracique. Ce guidage gestuel nuit aux conditions de bon fonctionnement organique et conduit à la fatigue, au manque de confiance et à l’épuisement.
  3. Le guidage direct s’appuie sur des raidissements articulaires à base de raccourcissement musculaires pour assurer l’équilibre : de là, les écarts angulaires entre les parties diminuent (la personne se tasse), mais les porte-à-faux entre les parties augmentent. Ainsi, inexorablement, le guidage par raidissement diminue de précision et d’envergure avec le temps affectant la confiance que l’individu va placer dans ses capacités de guidage et de contrôle.
  4. Finalement, comme le guidage direct asservit la pensée et l’attention aux sensations et que les sensations deviennent de plus en plus désagréables, l’individu entre dans une zone d’insécurité et de danger de plus en plus grande. C’est la stabilité mentale de l’individu qui se dégrade et sa capacité de se diriger avec des règles raisonnées.

Si l’intellect pratique élémentaire continue à diriger seul les coordinations du torse, les individus s’enferment dans des défauts et des distorsions de la structure anatomique qui jouent systématiquement en leur défaveur. Du fait du manque de contrôle rampant qu’il entretien, ils sont ainsi privés du moyen central pour développer leurs potentialités.

Après ce constat catastrophique, voyons maintenant la nature de la solution de guidage proposée par Alexander en remplacement de la cause de tous les maux.

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La gouverne consciente ou “intellect pratique supérieur”

L’araignée effectue des opérations qui rappellent celles du tisserand et les alvéoles que les abeilles construisent pourraient surpasser le travail de nombreux architectes. Cependant, même le pire architecte diffère de la plus capable des abeilles depuis le tout début en ce qu’avant qu’il construise une boite à partir de planches, il l’aura déjà construite dans sa tête. A la fin du processus de travail, il obtiendra un résultat qui existait déjà avant qu’il ne commence à construire.

L’architecte non seulement change la forme que lui offre la nature, selon les contraintes imposées par la nature, mais il exécute aussi une intention, un modèle mental propre qui définit les moyens et le caractère de l’activité à laquelle il doit subordonner sa volonté.
(Karl Marx, Le Capital, 1867).

Le développement de l’intellect pratique supérieur ou ‘gouverne consciente’ survient du fait d’un croisement raisonné de l’intellect pratique élémentaire et de l’intellect verbal. Nous allons voir comment l’intellect verbal doit être dirigé (par des commandes verbales) sur l’origine même des habitudes concernant l’emploi des parties de l’organisme.

En technique Alexander initiale, c’est l’intellect verbal qui va permettre

  • de décomposer les pré-conceptions sur l’emploi des parties de l’organisme,
  • de les remplacer par une analyse précise de la mécanique, des forces, des moteurs et des empilements qui décrivent avec objectivité la réalité de la situation motrice.

Comme l’intellect verbal peut être partagé socialement, c’est dans l’interaction avec un observateur extérieur que cette activité doit débuter, jusqu’à ce que l’élève devienne lui-même observateur objectif de ces actes dans un miroir par exemple.

C’est en étudiant les thèses du pédagogue russe Lev S. Vygotsky que j’ai pu comprendre le point de vue commun à Delsarte et au jeune Alexander selon lequel un individu, qui ne sent pas comment il organise son torse (du fait de sa mauvaise appréciation sensorielle), peut grâce au langage voir sa sphère d’activité s’élargir au point de lui donner accès à ses habitudes motrices les plus fortement ancrées –et donc les moins accessibles.

En deuxième lieu, et c’est un fait d’une importance décisive, avec l’aide du discours [pensée verbale], un nouvel objet apparaît dans la sphère des choses disponibles à l’enfant : son propre comportement. Les mots dirigés vers la solution d’un problème ne font plus simplement référence à des objects du monde extérieur [comme chez le primate], mais aussi à son propre comportement, ses actions et ses intentions. Avec la pensée verbale (discours dirigé vers lui-même), l’enfant est, pour la première fois, capable de contrôler son propre comportement, se mettant en relation avec lui-même comme s’il était un observateur extérieur, se considérant comme un objet, comme une machine dont il faudrait régler les rouages. Son discours dirigé vers lui-même l’aide à maîtriser cet “objet” à l’aide d’une organisation préliminaire et d’une planification de ses propres actions et de son comportement. Des objects [parties de lui-même] qui se trouvaient au-delà de sa sphère d’activité deviennent accessibles grace au langage dans l’activité pratique de l’enfant. (Vygotsky, L.S. “The Problem of Practical Intellect in the Psychology of Animals and the Psychology of the Child.”, Trad. Masoero, J.D., p. 16 dans le document anglais)

Dans cet extrait, il suffit de remplacer le mot ‘enfant’ par celui ‘d’élève’ et ‘objets’ par ‘parties de lui-même’ pour comprendre combien Delsarte et Alexander étaient proches de la pensée de Vygotsky.

Cependant, ils sont aussi allés plus loin que Vygotsky. Non seulement, ils ont confirmé l’idée selon laquelle l’intellect verbal devait porter l’intellect pratique au-delà de son stade élémentaire, mais ils ont aussi montré que la question pratique de l’organisation pratique des parties de l’organisme posait un problème fondamental à l’intellect verbal -de telle sorte qu’il devenait incontournable de développer l’intellect verbal au-delà de son régime “scolaire” pour permettre un changement fondamental de l’emploi des parties de l’organisme : l’intellect verbal doit être gouverné consciemment pour espérer employer un usage inhabituel des parties. Je reviendrai en détails sur ce sujet, ici, dans le paragraphe sur la construction intellectuelle d’un modèle mental concerté

Delsarte et le jeune Alexander ont imaginé des approches pédagogiques assez proches qui se retrouvent sur l’idée de permettre à l’élève de décupler le pouvoir qu’il exerce sur sa propre activité pratique à l’aide du langage : ils ont conçu un processus d’éducation de la gouverne et du contrôle des parties mobiles de l’organisme qui n’était pas basé sur la transmission d’une expérience sensible, sur le conditionnement par la répétition d’une expérience. Vous l’aurez compris, c’est à ce travail que je propose de revenir avec la technique Alexander Initiale.

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L’origine de l’intellect pratique supérieur

L’intellect pratique supérieur n’est pas une fonction naturelle qui se développe selon ses propres moyens : en effet, cette fonction n’apparaît que lors d’un échange social visant à la transmission de moyens intellectuels de guidage. Cette transmission peut être décrite par la métaphore de l’échafaudage (scaffolding).

L’échafaudage permet à l’élève de construire au-delà de ses capacités actuelles ; ce que l’élève est capable de construire avec de l’aide fera bientôt partie de ses capacités à construire par lui-même.
L’échafaudage provient de la relation sociale entre le professeur et l’élève : il transmet des acquis constitués par :

  1. l’analyse des mouvements et des dispositions des parties de la structure anatomique permise par l’usage du langage et des signes, et,
  2. la compréhension des capacités de direction de l’intellect (et de la volonté pratique) à l’aide d’auxiliaires et d’instructions verbales.

L’échafaudage n’est vraiment efficace qu’à partir du moment où le “transmetteur” donne aussi à l’élève les moyens et la connaissance des tendances propres de l’élève dans l’apprentissage et l’utilisation de moyens, de sorte que l’élève connaisse les moyens, mais puisse aussi réellement apprendre à utiliser ces moyens à son compte – c’est ce que l’on entend par le terme ‘d’intériorisation’.

L’échafaudage en technique Alexander initiale représente le partage et l’intériorisation de ce processus et des notions et des règles :

  • de la biomécanique (qui étudie la mécanique des chaînes de parties de la structure anatomique),
  • de la psychologie de l’apprentissage,
  • de l’apprentissage de la direction consciente des mécanismes mentaux (comment décupler mémoire, attention, raisonnement en employant des commandes du discours vers soi-même).

Nous verrons que, dans le cadre de l’entraînement gestuel, s’ajoute à cela la transmission par le professeur d’une procédure exploratoire que l’élève doit mettre en place pour décomposer sa propre volonté pratique (cette phrase favorite de Delsarte sera expliquée plus avant). Nous verrons que l’entraînement gestuel ne s’apprend pas, qu’il s’explore et se découvre.

Ce document de fin de stage fait partie de cet échafaudage sur lequel vous pouvez vous hisser pour découvrir et construire une nouvelle potentialité de votre esprit conscient. Le principe de l’échafaudage est qu’une fois que vous avez intériorisé cette procédure, vous n’aurez plus besoin de l’échafaudage [et du professeur] pour construire votre propre conduite générale : l’échafaudage doit être démonté le plus rapidement possible pour vous rendre votre autonomie.

Quand un élève parvient, avec l’aide d’instructions qu’il reçoit d’un professeur, à se représenter clairement (au moyen de signes ou schémas) et ainsi à rendre conscientes différentes actions simultanées des parties de son torse, il ne faut pas longtemps pour qu’il intériorise ces instructions, qu’il se les répète pour lui même et qu’il gouverne consciemment son activité. Il ne lui reste plus qu’à franchir l’épreuve qui consiste à subordonner sa volonté pratique à cette intention concertée pour qu’il contrôle consciemment son activité pratique.

Voici résumé le processus de développement de l’intelligence pratique de haut niveau qui allie à la fois, protection de soi et développement de la dextérité.

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Diriger la volonté d’une manière rationnelle

Je lui explique alors que sa propre volonté (pas la mienne ou celle d’une quelconque puissance supérieure) va effectuer le changement désiré, mais, • elle doit d’abord être dirigée d’une manière rationnelle pour entraîner une manifestation physique, et, • elle doit être aidée par un simple principe mécanique et une manipulation appropriée. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 173)

La “manière rationnelle” est pour moi directement et étymologiquement liée à l’emploi du langage [du discours vers soi-même], car la racine du mot rationnel est la raison (ratio), traduction du grec (logos), qui désigne les facultés dérivées de l’emploi du langage : compter, penser des rapports appropriés, obtenir des solutions qui résultent d’un raisonnement et non de l’expérience sensible.

À l’instar de toute science, la technique Alexander Initiale fait appel au langage verbal pour comprendre, informer et planifier l’activité pratique aussi bien au plan mental que physique. Pour Alexander, ce sont les instructions verbales que l’élève se donne à lui-même [à sa volonté pratique] qui vont conduire à l’activité pratique intelligente, mais nous verrons aussi que cet objectif passe nécessairement par une planification de l’activité intellectuelle avant de diriger l’activité pratique à l’aide de rapports géométriques simultanés entre les parties de l’organisme.

L’intellect verbal inclut différents systèmes de langages et de signes partagés par une société évoluée : les langages scientifiques, géométrique, physique, bio mécanique, et tous les langages schématiques. L’intellect verbal produit à partir de ces langages des propositions qui répondent aux règles de la logique; ses propositions peuvent être évaluées par des procédures raisonnées.

De plus, l’intellect verbal permet de stipuler des commandes verbales, des ordres qui peuvent être utilisés :

  • pour ouvrir l’attention à des multiples objets,
  • pour penser des modèles complexes (non sensoriels) et les multiples relations qui les caractérisent et
  • pour décomposer la volonté pratique, c’est-à-dire planifier des sous-parties d’une action physique globale.

F.M. Alexander a démontré que l’intellect verbal permet de commander l’intellect pratique et de le transformer en un intellect pratique supérieur. Cet intellect pratique éduqué autorise à se passer des informations sensorielles immédiates, des expériences passées et du guidage mental ou physique qui les accompagne et à surmonter des habitudes sensori-motrices pour appréhender et disposer de connexions mécaniques (que l’on ne peut pas sentir) et élaborer des solutions de guidage et de contrôle raisonnées.

Dans l’usage des outils, l’intellect verbal est depuis très longtemps allié à l’intellect pratique pour développer les capacités d’actions et une plus grande manœuvrabilité de l’organisme dans des situations complexes. Cependant, aucune connaissance de l’usage normal du mécanisme postural[8] n’a pas été incluse dans les tentatives d’entrainement au maniement des outils et instruments[9] quotidiens (chaises, stylo, chaussures, téléphone, ordinateurs, etc.). Ainsi, dans l’usage habituel des parties de la structure anatomique et tout particulièrement dans l’usage des parties du torse qui accompagne tous ces mouvements, Alexander a découvert une faille qui empoisonne tout l’apprentissage des mouvements et réduit les capacités de guidage des individus.

En conséquence, Alexander a développé une pédagogie qui permet à la volonté propre de l’élève “d’effectuer les changements désirés” à la fois au niveau mental et physique.

Voilà comment se décompose cet apprentissage :

  1. construction intellectuelle d’un modèle mental concerté, une nouvelle “conception” de l’emploi des parties de l’organisme,
  2. premiers essais d’ajustement des parties selon le modèle mental sensé dirigé la volonté pratique (subordination de la volonté pratique au modèle mental concerté)
  3. contrôle objectif de la manifestation physique de ce guidage,
  4. retour au point n°1 ou n°2 pour recommencer et affiner le processus.

Nous allons voir comment l’intellect pratique de l’homme peut être allié à son intellect verbal pour concevoir en théorie et réaliser en pratique un modèle mental (une intention) propre et explicite qui définit les moyens et le caractère de son activité. Dans cette démarche, le modèle existe avant l’activité et l’homme doit lui subordonner sa volonté pour réaliser l’activité qui est inconnue pour lui. Si l’homme parvient à intérioriser le modèle et s’il peut le manifester physiquement avec précision, on parle alors de ‘guidage conscient’ [gouverne et contrôle conscients].

Le ‘contrôle conscient’ quant à lui consiste à vérifier que l’activité pratique (la manifestation physique du guidage choisi) correspond en tous points aux spécifications du modèle mental (de l’intention).

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construction intellectuelle d’un modèle mental concerté

Le premier pas dans le processus consiste à subordonner la pensée (l’intellect verbal) à la volonté [et non pas tenter de subordonner directement la volonté pratique à un modèle], car le modèle mental requis n’est pas construit au moyen de la pensée habituelle, désordonnée et focalisée.

Comme le modèle mental est censé décrire une coordination de plusieurs parties de l’organisme, il est évident qu’il doit regrouper et relier de multiples sous-actions de réajustement, des sous-parties d’une action globale : c’est un acte de pensée concertée** [une pensée à multiples objets] qui n’a aucun rapport avec l’intuition ou l’impulsivité [pensée concentrée sur un objet]. Un des objectifs avoués de la technique Alexander initiale est d’apprendre à penser de manière différente en subordonnant la volonté intellectuelle à des commandes verbales.

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L’inhibition cognitive ou l’utilisation du langage pour diriger la volonté intellectuelle (intellect verbal)

Le modèle mental concerté est modulaire ; il se compose d’instructions verbales de réajustement précises qui peuvent être représentées par un schéma visuo-spatial. Chaque instruction verbale (et schématique) dicte un certain rapport entre deux [ou plusieurs] repères anatomiques ; ce sont des instructions d’ajustement mécanique [de ré-ajustement] entre les parties de la structure anatomique qui échappent au départ à la sphère d’activité pratique de l’élève.

Maintenant, pour traiter ce cas, de nombreuses parties de l’organisme vont devoir être réajustées. La colonne vertébrale doit être redressée et allongée, la capacité thoracique moyenne doit être augmentée de façon permanente de manière à donner libre cours aux organes internes, et l’habitude fermement établie de prendre une inspiration en suçant de l’air dans les poumons doit être cassée. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 70)

De ce fait, il ne fait aucun doute que chaque instruction manipulée par la volonté intellectuelle –chaque partie décrite de l’activité globale désirée– est un stimulus d’activité pour la volonté pratique de l’élève et il est fondamental que celui-ci comprenne par la pratique qu’il ne doit en aucun cas entrer en activité impulsivement à la réception d’une instruction unique. Il est hors de question d’exercer la volonté pratique irréfléchie de l’élève et de surenchérir sur sa capacité impulsive, car ce défaut mental nous éloigne toujours plus de la gouverne d’une activité concertée de toutes les parties du torse.

Il ne peut pas y avoir d’activité concertée si chaque stimulus d’activité (chaque instruction verbale d’ajustement) entraîne impulsivement une correction spécifique : cette traduction immédiate de la volonté intellectuelle en volonté pratique est l’opposé du but recherché. Alexander a donc clairement indiqué que l’élève doit refuser de réagir immédiatement à la réception d’un stimulus d’activité et, au lieu de cela, qu’il doit apprendre à tenir présent à l’esprit un nombre d’instructions connectées préalablement à l’entrée en action.

Confronté à ce résultat, je voyais alors que si je devais jamais réussir à produire les changements que je désirais dans mon usage [des parties du torse], je devrais soumettre les processus qui le dirigeaient à une nouvelle expérience. Dans cette nouvelle expérience, ils seraient dominés par le raisonnement, au lieu de l’être par la sensation. Et cela, particulièrement au moment critique où la projection des directions se fondait en [un] «faire» pour obtenir la fin que je m’étais fixée. (Alexander, F.M., L’Usage de Soi, 1934, Trad. Masoero, J.D., p. 48)

Dans cet extrait, “projeter des directions” correspond à se donner des instructions multiples d’ajustement des parties (volonté intellectuelle) tout en inhibant toute mise en action séparée (volonté pratique). Le “moment critique” quant à lui décrit le moment où la volonté pratique va concrétiser le modèle (les différentes instructions soumises à la volonté pratique par la volonté intellectuelle) en un faire unique au niveau de la manifestation physique ; ce moment est “critique” dans deux significations de l’adjectif : il est critique parce qu’il est décisif, mais aussi parce qu’il marque le moment “où se produit un changement dans l’état d’un corps.” qui sera forcément ressenti comme étrange, inhabituel et désagréable.

Alexander a découvert que l’élève pouvait utiliser des commandes verbales simples pour s’empêcher d’entrer en action impulsivement à chaque émission d’une nouvelle commande d’ajustement géométrique des parties. Il suffit de se donner un stimulus d’action en y ajoutant un stimulus “NON” pour refuser d’entrer en action. Cette activité psychologique doit aussi être utilisée au “moment critique” pour éviter que la volonté pratique ne s’effondre devant la nouvelle sensation.

Pour décrire cette action de contrôle psychologique, il a utilisé le terme de commande verbale d’inhibition. En se répétant des commandes d’inhibition, l’élève peut ouvrir son attention sur plusieurs commandes d’ajustement géométrique [sans se concentrer, sans chercher à les sentir, c’est-à-dire sans entrer en action pour chacune d’elles] afin de soumettre sa volonté pratique au défi de la gouverne consciente d’une action concertée : autrement dit, comment projeter des directions verbales concertées pour entraîner une manifestation physique qui montre dans le miroir un ensemble coordonné ?

Pour faciliter l’ouverture de l’attention sur des commandes d’ajustement multiples dans la technique Alexander initiale, le modèle mental concerté est représenté graphiquement, et toutes les unités d’action sont présentes simultanément sur le dessin. Cette démarche était centrale dans le Système Delsarte, mais ce chercheur n’avait pas anticipé le fait que ses disciples qui allaient devenir enseignants n’avaient pas développé son extraordinaire pouvoir de représentation par le dessin et les graphiques. Alexander n’a me semble-t-il jamais compris l’intérêt des représentations visuo-spatiales pour donner du sens à ses instructions verbales.

Il suffit de dire ici que la simultanéité graphique renvoie à l’apprentissage de l’activité mentale consistant à maintenir, avec la volonté intellectuelle, le modèle et toutes ses relations à l’esprit, avant de laisser la volonté pratique effectuer le geste. Ainsi avant d’utiliser les graphiques de codage d’actions, il faut apprendre l’activité intellectuelle nouvelle d’inhibition, commandée par des instructions verbales, pour penser plusieurs choses en même temps avec les relations qui les caractérisent, sans entrer en action avant d’avoir tout le modèle présent à l’esprit – c’est la ‘pensée concertée’ ou selon les termes du jeune Alexander, “la pensée dans l’activité[10]”.

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Une étape incontournable : l’épreuve de la manifestation physique dans le miroir

Comme je l’ai déjà indiqué dans l’introduction du “processus cyclique d’auto-ajustement” la construction d’un modèle intellectuel correct ne suffit pas à lui seul à assurer le passage de la théorie à la pratique. Alexander a bien appris sa leçon auprès de Delsarte : la gouverne consciente raisonnée (une intention raisonnée très précisément) ne suffit pas à assurer une application correcte des auto-ajustements de la structure anatomique. Il faut un contrôle objectif de la mise en pratique du modèle pour consolider le pont entre modèle théorique et application pratique.

L’outil mental dans ce cas est le ‘contrôle conscient’. L’élève doit apprendre à se voir comme les autres le voient. Il doit refuser de juger son activité en fonction de ce qu’il sent ou de ce qu’il pense qu’il a commandé ou inhibé.

Clairement, «sentir» ou penser que j’avais inhibé la vieille réaction instinctive n’était en aucune manière une preuve que je l’avais réellement fait. Je devais absolument trouver une voie pour «savoir». (Alexander, F.M., L’Usage de Soi, 1934, Trad. Masoero, J.D., p. 47)

Alexander utilise des mots très forts pour parler du combat CONTRE la volonté pratique élémentaire résiduelle. C’est un combat contre une tendance raciale – la cause qui nous pousse à revenir dans tous les moments critiques à la direction instinctive [sensorielle] et à l’usage familier de nous-mêmes que nous ressentons comme juste -, mais aussi, • une inexpérience raciale à projeter des directions conscientes et en particulier, des directions conscientes en séquence (Alexander, L’usage de soi, p. 47)

Il s’agit bien d’apprendre à se voir (en photo ou en vidéo), mais à se voir de façon raisonnée, à travers le filtre d’un modèle mental décrivant froidement des relations entre les parties. La présence à l’esprit du modèle théorique qui vient se superposer à l’image de soi nous distancie d’une réponse émotionnelle convenue (j’aime/je n’aime pas mon apparence) ; elle dirige notre attention sur la comparaison froide de la manifestation physique des rapports avec son prétendu modèle théorique, cherchant des failles et des possibilités de revenir sur la pensée du modèle et sur sa mise en pratique.

C’est la présence à l’esprit du modèle mental préalable, du schéma renseigné par toutes les indications verbales qui l’accompagne qui permet à l’homme

  1. de constater s’il a bien subordonné sa volonté aux directives du modèle mental et, si ce n’est pas tout à fait le cas,
  2. de raisonner quelle modification il doit effectuer dans sa pensée concertée pour diminuer la divergence entre la manifestation physique et le modèle mental original.

Cette subordination de la volonté pratique est donc bien progressive : elle ne survient pas par miracle parce que l’on a pris un cours ou même parce que l’on pense avoir maitrisé le processus de la pensée concertée.

En technique Alexander initiale, ce n’est pas parce que l’on a conçu un modèle mental parfait que la manifestation physique doit nécessairement se révéler en pratique. L’épreuve de la mise en pratique, l’épreuve de la manifestation physique, est nécessaire et représente le deuxième pilier indispensable de la gouverne et du contrôle conscients.

Chaque manifestation physique des commandes concertées d’auto-ajustement global doit être évaluée objectivement (dans un miroir ou sur un film) pour ciseler, polir, parachever la gouverne consciente et ouvrir les voies d’expression de la volonté pratique.

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Un processus cyclique d’auto-réajustement

L’élève doit apprendre à subordonner sa volonté pratique à un modèle raisonné explicite. Cette loi est une réalité dans toutes les activités en dehors de nous – la construction, la création, la recherche, etc. –, mais, avant Delsarte et Alexander, elle n’avait jamais été réalisée dans ce qui nous est le plus intime, la gouverne (la conduite) des parties de notre organisme dans l’activité quotidienne.

Dans ce cas, le but de la subordination de la volonté à un modèle raisonné va plus loin que l’acquisition d’une compétence de plus, non seulement parce qu’elle concerne l’autopréservation et le développement de nos capacités supérieures dans toutes les sphères d’activité, mais surtout parce qu’elle doit surmonter de puissantes habitudes mentales et physiques.

C’est certainement la raison pour laquelle cet apprentissage de la subordination de la volonté à un modèle explicite n’est ni inné ni simpliste : cet un apprentissage qui doit s’imposer CONTRE l’habitude subconsciente de la coordination de la structure anatomique. Delsarte, comme son élève Alexander, ont conçu tous deux l’entrainement gestuel comme un Ré-apprentissage de la gestuelle intégrale qui nécessite un processus cyclique d’auto-réajustement des parties de l’organisme.

L’apprentissage de la subordination de la volonté pratique à un modèle mental explicite est un processus cyclique, car il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une construction sur une table rase. Notre volonté pratique est depuis notre enfance subordonnée à nos habitudes sensorielles, à nos habitudes intellectuelles élémentaires qui consistent à nous focaliser sur ce que nous sentons, à juger des ajustements des parties du torse en fonction de nos sensations, à suivre la voie du moindre travail mental et à lui préférer une rapide satisfaction sensorielle.

Il est bon de se rappeler que chaque nouvelle coordination consciente que nous pourrons réaliser en subordonnant notre volonté pratique à un modèle va produire des sensations désagréables, une impression d’inadaptation et de tensions qui diminuent notre capacité d’initiative et militent contre notre effort de changement[11].

C’est pourquoi il ne suffit donc pas d’avoir une nouvelle image mentale raisonnée, un plan biomécanique correct de l’utilisation des parties de l’organisme. Le processus de création de l’image et de sa traduction en manifestation physique par la volonté pratique se doit d’être cyclique, car chaque transformation de la gestuelle en fonction du modèle doit être évaluée, confrontée objectivement au modèle intellectuel, pour épurer petit à petit les scories subconscientes de l’ancien modèle sensoriel qui s’immiscent sans que nous en rendions compte dans notre mise en pratique.

“Encore faut-il pas à pas travailler le passage de la théorie à la pratique et vérifier que nos vieilles habitudes mentales et physiques qui interviennent sans que nous ne les ayons invitées dans notre ‘nouvelle’ volonté pratique” soient patiemment éliminées.

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La nécessité d’un changement “en totalité”

Comme nous l’avons vu, la méthode directe de guidage de l’organisme (guidage selon la perception sensorielle de ce qui semble juste) ne permet pas de guider la structure anatomique de façon à résoudre simultanément deux problèmes :

  1. améliorer le fonctionnement de l’organisme sur le long terme, et,
  2. développer la dextérité au-delà des niveaux moyens,
    parce qu’elle ne prend pas en compte la globalité du système postural.

Pendant que l’on tente de relaxer une articulation trop raide entre deux parties, c’est tout le reste de l’usage de la structure qui s’adapte et annule l’effet positif du changement local. Il en est ainsi parce qu’à moins nous ne soyons étendus, couchés et totalement supportés par un support, notre mécanisme postural fonctionne toujours en arrière plan de nos actions sur les choses et régit des “réactions posturales anticipatoires” pour prévenir une chute.
Seule une approche globale, c’est-à-dire qui change simultanément les rapports entre les parties essentielles de la chaîne posturale & modifie le mécanisme postural élémentaire, peut améliorer le comportement et la réaction posturale associée.

C’est surtout pour cette raison que, selon la technique Alexander initiale, l’intellect pratique doit être allié à l’intellect verbal. Seule cette alliance peut développer une forme de guidage et de contrôle qui ne tente pas de résoudre directement chaque problème spécifique, mais qui considère avant tout le guidage global de la structure anatomique, l’usage en totalité de ses parties dans l’espace. Au lieu de nous demander de nous focaliser sur chaque problème qui peut apparaître, l’un après l’autre, ou sur chaque solution spécifique (relaxer ici ou là par exemple), Delsarte comme Alexander nous invitent à apprendre une nouvelle façon de commander, une nouvelle façon de nous donner et d’effectuer de multiples ordres précis simultanés qui, tous ensemble, changent en totalité la coordination des parties.

C’est un fait que l’on néglige toujours en pratique quand on discute du comment améliorer le comportement humain, c’est-à-dire que l’on ignore qu’un être humain fonctionne comme un tout, et qu’il ne peut être changé fondamentalement qu’en totalité. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 8)

Je m’arrête juste un instant sur cette déclaration qui peut sembler extrêmement généraliste au point de perdre tout sens (dans la mesure où on peut lui faire dire à peu près ce que l’on veut). Un sens très précis apparaît pour cette déclaration si l’on rappelle que le sujet dont parle Alexander traite du réajustement des parties de la structure anatomique et de l’usage du mécanisme postural dans l’espace. Un schéma peut permettre d’illustrer et de suivre son raisonnement :

Changer une chaîne segmentaire en totalité
Changer une chaîne segmentaire en totalité

Observez la chaîne segmentaire illustrée ci-dessus qui pourrait représenter schématiquement le torse d’un individu assis (à la différence près qu’en technique Alexander initiale, le torse est segmenté en quatre parties articulées). Notez qu’en t1, la chaîne est en porte-à-faux, et que les articulations doivent être passablement raidies par le mécanisme postural pour maintenir la structure en place. Imaginez que l’on souhaite allonger la stature présentée en t1 pour aboutir à l’empilement t2, aboutissant ainsi à un contrôle postural qui demande beaucoup moins de raideur, car la structure utilise alors à plein sa capacité de support coordonné.

Je veux que l’on comprenne très clairement que lorsque j’écris sur les bras, jambes, mains, pieds, etc. je sous-entends toujours leur usage coordonné avec le torse en tant que support coordonné. Effectivement, nous pourrions dire que dans ce sens, le corps représente le tronc de l’arbre et les bras, les branches. (Alexander, F.M., Vers un Contrôle Constructif Conscient de l’Individu, Trad. Jeando Masoero, p. 160)

Les ajustements souhaitables entre les segments A, B et C sont représentés par les arcs rouges qui montrent la transition géométrique nécessaire pour chaque paire de segments. Cependant, si l’on commande un de ces ajustements isolément, ou même deux d’entre eux en même temps, il est facile de constater que la structure en totalité sera plus en déséquilibre après l’ajustement qu’elle ne l’était avant et qu’il faudrait bloquer les segments les uns par rapport aux autres un peu plus qu’avant le changement. Ceci revient à dire que la structure ne peut être changée qu’en totalité et que les trois ajustements doivent être simultanés si l’on souhaite préserver et améliorer la mobilité de la structure.

Sans ordres multiples et simultanés, sans la pratique qui consiste à obéir (à subordonner la volonté pratique) à des ordres multiples qui mettent en relation spatiale les segments de la structure anatomique, il n’y a pas de “gouverne et de contrôle conscients”. Il n’y a pas de gouverne et de contrôle conscient si les ré-ajustements ne sont pas commandés ‘en totalité’.
Toute la puissance transformatrice de la Technique Alexander initiale vient de sa pédagogie de la pensée multiple ou pensée relationnelle qui touche à la fois, au fonctionnement de l’agent directif de la sphère de pensée, à la coordination motrice, et au fonctionnement général.

Alexander, comme Delsarte, ne s’intéresse qu’au ‘mouvement intégral’, à l’organisation de la “structure anatomique en tant que tout” et cela l’amène a ouvrir un domaine totalement nouveau.

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Un nouveau mécanisme de guidage global

Alexander n’était pas un pur théoricien, mais un homme éminemment pratique. Il n’a pas fait que décrire un possible, une construction hypothétique. Il s’est confronté au problème du changement ‘en totalité’ des ajustements de la chaîne posturale. De la sorte, sa théorie a rejoint la pensée de Vygotsky –sur le développement de la pensée pratique à l’aide de la pensée verbale–, mais il l’a aussi dépassée, portée un peu plus loin : pour lui, la pensée verbale (intellect verbal) éduquée de façon traditionnelle dans nos écoles, qui permet de résoudre des problèmes séquentiels, est aux prises avec un problème pratique qu’elle ne peut pas aborder avec succès sans se transformer à son tour.
Tout élève, qu’il soit incliné vers les disciplines intellectuelles ou non, va devoir apprendre à commander sa pensée verbale pour commander des actions intelligentes basées sur des actions d’ajustement simultanées. C’est l’offre qui est faîte par la technique Alexander initiale.

Le processus que je viens de décrire est un exemple de ce que le professeur John Dewey a appelé «penser dans l’activité». Quiconque le mettrait en pratique fidèlement en essayant d’arriver à une fin se rendra compte qu’il est en train d’acquérir un nouvelle expérience de ce qu’il appelle «penser».
Mon expérience quotidienne de l’enseignement (- de cette méthode -) m’a montré qu’en travaillant pour une fin donnée, nous pouvons tous projeter une direction [de ré-ajustement], mais, continuer à donner cette direction alors que nous en projetons une seconde, et continuer à donner ces deux pendant que nous en ajoutons une troisième, et continuer à garder ces trois directions actives pendant que nous procédons à gagner notre fin, s’est révélé être le «pons asinorum» de tous les élèves que j’ai pu rencontrer jusqu’à aujourd’hui. (Alexander, F.M., L’Usage de Soi, 1934, Trad. Masoero, J.D., p. 45)

Maintenant, le “changement en totalité de l’orientation des segments osseux” (communément appelé ’l’orientation posturale) n’est pas une chose évidente, bien au contraire, et on est à même de se demander par quel bout il faut prendre cette “totalité”. Et c’est là qu’Alexander à apporté une contribution géniale. Il a tout simplement donné et éprouvé un principe d’organisation du mécanisme postural qui permet de ramener l’énorme complexité de la coordination à un problème concevable par un individu moyen, disposant du langage et de rudiments de géométrie.
C’est ce que nous allons voir maintenant.

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La solution globale passe par la gouverne et le contrôle conscients du mécanisme du torse

Pour Alexander, tous les défauts locaux -raideurs, douleurs, manque de contrôle physique ou mental- sont des conséquences à plus ou moins long terme d’une mauvaise gouverne de la conduite du mécanisme du torse.

Le contrôle spécifique d’un doigt, du cou, ou des jambes devrait être principalement le résultat de la gouverne et du contrôle conscients du mécanisme du torse, particulièrement des actions musculaires antagonistes qui font survenir ces coordinations correctes et plus globales destinées à contrôler les mouvements des membres, du cou, des mécanismes respiratoires, et l’activité générale des organes internes. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 168)

Pour lui, toute solution de guidage qui n’inclut pas la gouverne et le contrôle conscient du mécanisme du torse et qui est basée sur des solutions spécifiques en accord avec l’appréciation sensorielle (relaxation, concentration, gymnastique, etc.) ressort du principe d’End-gaining (finalisme[12]) selon lequel l’individu peut continuer :

  • à penser à une chose après l’autre comme il l’a toujours fait, et,
  • à se fier à se qu’il ressent pour guider sa structure anatomique.

Son approche indirecte consiste à s’empêcher de résoudre chaque problème directement et, au lieu de cela, à diriger consciemment les différentes parties du torse de telle sorte à produire des actions musculaires antagonistes qui seules ‘font survenir ces coordinations correctes et plus globales qui sont le ’contrôle primaire’ de l’usage de la structure anatomique en totalité.

Apprendre la technique Alexander initiale consiste donc à apprendre à penser notre guidage de façon différente et à s’entraîner :

  • à penser avec précision à plusieurs parties du torse EN MÊME TEMPS, et à les connecter entre elles et avec notre orientation spatiale, puis, comme nous le verrons,
  • à subordonner la volonté à ce modèle, c’est-à-dire :
  • à se fier à une observation objective de la manifestation physique produite par chaque tentative de guidage conscient pour RAISONNER la construction du meilleur guidage possible et la flexibilité la plus grande de la volonté pratique.

Le principe de la Technique Alexander initiale est donc l’approche indirecte, c’est-à-dire traiter chaque partie indirectement en dirigeant globalement le mécanisme du torse.
La solution indirecte d’un problème spécifique quelconque (organique, fonctionnel, psychologique) consiste pour chaque individu à apprendre à modéliser (construire un modèle mental simultané) et à apprendre à appliquer simultanément des actions antagonistes multiples des parties du torse.

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La volonté doit être aidée par un simple principe mécanique et une manipulation appropriée

En étudiant les manuscrits de F. Delsarte, j’ai constaté l’existence chez lui de nombreux concepts développés plus tard par F.M. Alexander. Parmi ceux-là je peux citer les idées suivantes :

  • attribuer nos défauts à un problème de guidage de la volonté,
  • ‘projeter’ des directions verbales devant un miroir pour s’assurer objectivement du résultat d’un guidage simultané de multiples mouvements des parties (le recours à la sensation étant exclus pour une telle opération) ;
  • le principe d’allongement comme mesure de la libération des articulations,
  • le rapport entre décomposition de la volonté et la grâce (poise) corporelle et mentale, et aussi,
  • la notion d’opposition entre les différentes parties torse-tête-membres comme source d’équilibre, de précision et de puissance (Alexander a remplacé le concept d’opposition cher à Delsarte par celui d’actions antagonistes).

Dans sa jeunesse, Alexander a beaucoup développé la notion de ‘tractions antagonistes’ et j’ai donc cherché à traduire cette conception en une réalité biomécanique.

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Guider les muscles consciemment : une impossibilité pratique

C’est en observant les schémas que Delsarte utilisait systématiquement dans son enseignement et que l’élève devait reproduire devant un miroir que m’est venue l’idée que le guidage des muscles du corps ne pouvait pas être la base de la gouverne consciente. La complexité du système musculaire est sidérante; de nombreux muscles du torse pris indépendamment sont si complexes qu’ils peuvent produire des dizaines de directions d’actions différentes, contradictoires suivant leur activation, et nous n’avons aucune prise sur cette complexité.

Si l’on considère ensuite l’activation des groupes musculaires du torse, dans les coordinations correctes et incorrectes, la complexité devient proprement inconcevable pour la volonté pratique d’un esprit humain.

La conclusion est évidente : le guidage conscient des muscles est une impossibilité pratique.

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Et s’il suffisait de guider les rapports géométriques entre les os ?

Pour raisonner la gouverne volontaire du système musculo-squelettique, il faut avant tout un ‘principe mécanique simple’, un principe qui permette de réduire l’énorme complexité du sytème musculo-squeletique.

Tous les muscles, ligaments et cartilages sont attachés aux os et la direction ou gouverne des parties de l’organisme dont parlent les deux chercheurs est beaucoup plus liée aux os qu’aux tissus moteurs. Chez Delsarte par exemple, il ne fait aucun doute que les ‘parties’ de l’organisme sont déterminées par les segments rigides de la chaine segmentaire posturale. C’est sur cette voie que j’ai cherché le principe mécanique des réajustements du torse.

Voici un passage qui décrit comment la ré-éducation du mécanisme postural devrait être effectué :

Le processus par lequel cela est effectué est simplement un réajustement des parties du corps au moyen d’un nouvel usage correct des mécanismes musculaires établi par l’intermédiaire de l’agent directif de la sphère de conscience. Ce changement produit un avantage mécanique adéquat de toutes les parties concernées. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 124)

Ce passage de l‘héritage suprême de l’homme (Alexander, 1910) soulève une difficulté sur la signification des “parties du corps” que j’ai mis des années à lever. Alexander parle en effet ’d’un nouvel usage des mécanismes musculaires’ établi par l’intermédiaire de la volonté de l’élève, ce qui pourrait laisser penser que la volonté devrait s’appliquer à l’activation correcte des tissus moteurs musculaires. Comme je l’ai indiqué, nous savons cependant que la complexité du système musculaire est telle que la volonté humaine ne peut pas s’immiscer dans son fonctionnement et sa coordination (voir Bernstein, N.A., “On dexterity and its development”[13]). Dans un passage déjà cité[14], Alexander indique très clairement que les coordinations correctes et plus globales destinées à contrôler les mouvements des membres, du cou et du mécanisme respiratoire, sont des conséquences indirectes (non directement volontaire) de la gouverne du mécanisme du torse, indiquant par là que la préoccupation ne doit pas être sur les coordinations musculaires, mais sur la gouverne des parties du torse.

Voici donc ma solution que j’ai pu prouver avec des centaines d’élèves débutants ou confirmés : l’agent directif de la sphère de conscience [en bref, la volonté pratique] dument entraîné peut gouverner la géométrie des parties osseuses du torse et imposer un nouvel usage des mécanismes musculaires attachés à ces parties. Comme le dit cette citation, c’est donc bien par l’intermédiaire de sa volonté pratique dirigée de façon rationnelle que l’élève peut établir un nouvel usage correct des mécanismes musculaires, en agissant de façon indirecte sur la géométrie osseuse du thorax.
L’avantage décisif se trouve dans le fait, prouvé maintes et maintes fois maintenant, que tout élève qui dispose du langage et de rudiments de géométrie peut facilement concevoir avec son intellect verbal et schématique et appliquer de multiple ajustement osseux de son torse simultanément.

L’usage correct des mécanismes musculaires n’est en aucun cas “direct”, en cherchant à contracter ou à relaxer tel ou tel muscle. Si les parties osseuses du torse sont ajustées simultanément en fonction d’un principe mécanique simple et géométrique d’allongement et d’élargissement, alors ces os impriment un usage nécessairement correct des mécanismes musculaires.

Deux évidences sont à considérer :

  • Si l’on demande à un enfant de 6 ans de placer les os de son torse dans des rapports géométriques précis, clairement représentés, il peut le comprendre et organiser sa volonté pratique pour réaliser cette coordination simultanée en quelques secondes (après 3 cours d’une demi-heure en groupe de 4 pour apprendre la gouverne et le contrôle conscient);
  • quand les os sont ainsi déplacés et organisés -sans que l’enfant ne connaisse aucun des muscles impliqués- tout son système musculaire se retrouve dans des conditions mécaniques complètement différentes qui favorisent son fonctionnement mécanique, organique et attentionnel.

gouverne et contrôle conscient chez des enfants de 6 ans

Ce que ces photos montrent c’est un auto-ajustement des parties du torse : c’est bien l’enfant qui effectue “la manipulation appropriée”. Ce document peut être pris pour preuve, parce que dans ce projet pilote dirigée par Anna Lefeuvre [15] avec l’éducation nationale, il était formellement interdit de toucher les enfants sous aucun prétexte. [16]

Ces conclusions amènent à observer les schémas anatomiques que l’on trouve dans les atlas anatomiques avec beaucoup de méfiance :

Voici un exemple typique des schémas anatomiques qui sont appris par les “spécialistes du mouvement” :
image

Observez combien la position de l’os omoplate est au plus près de la colonne vertébrale. Cette relation géométrique fait que l’os est posé sur les premières côtes (il bloque leur ouverture), qu’il est perpendiculaire à l’axe sagittal et de ce fait, qu’il est protubérant sur le dos. Dans cette position relative de l’os par rapport au thorax, les muscles qui relient l’omoplate à la colonne (ici le rhomboïde qui est représenté, mais c’est aussi le cas du trapèze, du grand dorsal etc. qui ne le sont pas) et les muscles qui relient l’humérus (os du bras) à l’omoplate (sous-épineux et petit rond) sont dans un état de contraction de raccourcissement pathologique alors que le serratus anterior (grand dentelé, c’est-à-dire le muscle qui est attaché sous l’omoplate et qui la stabilise avec le torse) est totalement relaxé et inefficace.
Cette image représente donc un emploi catastrophique du mécanisme du torse (le dos se raccourcit et se rétrécit au lieu de s’allonger et de s’élargir comme le stipulait Alexander), impliquant à la fois un rétrécissement du sommet du dos et un raccourcissement de la colonne vertébrale (quand l’omoplate est si loin en arrière, les côtes tirent la colonne lombaire en avant, indiquant au moins une lordose).

Si l’on dictait une nouvelle position au coude et que l’élève (ce squelette) plaçait les parties supérieures du bras en avant des côtes, l’omoplate s’éloignerait de la colonne, elle pourrait tourner sur l’arrondi costal et élargir totalement le dos en libérant les trois premières côtes (les omoplates ne seraient alors plus protubérantes et le dos deviendrait lisse et large):
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détail de lajustement de trois quarts

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En conclusion

La direction simultanée des os imprime aux muscles qui les relient des conditions d’allongement complètement différentes des ajustements liés aux habitudes (et aux sensations habituelles). Ce principe mécanique simple est tout à fait adapté à la direction de la volonté pratique.

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Les Ressorts biomécanique du mécanisme postural

J’ai cru un moment que personne n’avait auparavant envisagé l’action des os sur les muscles. Mais j’étais dans l’erreur. À l’origine même des études physiologiques sur les muscles, les chercheurs avaient compris une autre conséquence du principe mécanique simple que je viens d’exposer : quand l’action des os sur les muscles dépasse la force instantanée de la contraction musculaire, le muscle en contraction s’allonge et change radicalement de propriétés mécaniques et physiologiques. Ce type de contraction musculaire antagoniste à la direction des os est appelée “contraction d’allongement”[17].

Ces contractions d’allongement ou action antagoniste de la géométrie des os sur les contractions musculaires sont maintenant acceptées comme des composants essentiels de l’efficacité posturale et motrice des vertébrés par les instances scientifiques ( Roberts & Azizi, 2011).

Voici comment les scientifiques Roberts et Azizi résument l’état des connaissances sur ces contractions d’allongement :

“Ces dernières années, notre compréhension des mécanismes et de l’importance des ressorts biologiques dans la locomotion a avancé de façon significative, et il a été démontré que les mécanismes élastiques sont essentiels pour un fonctionnement efficace des moteurs musculaires qui assurent les mouvements, l’équilibre et la stabilisation de l’organisme vertébré. Les ressorts stockent l’énergie que leur communiquent les os et ils la restituent pour augmenter l’énergie mécanique du segment ou du corps dans son entier, ils absorbent les chocs, ils répondent dynamiquement aux vibrations, ils produisent de l’énergie « gratuite » tout en facilitant les échanges métaboliques dans les tissus… Dans tous les cas, le mécanisme élastique permet au système locomoteur de fonctionner au-delà des limites du moteur musculaire contractile. (Roberts, Azizi, 2011[18])

Ce que le jeune Alexander est parvenu à construire pour lui-même est une démarche mentale et pratique de nature géométrique qui assure les conditions nécessaires à la création de ces actions antagonistes entre les os du squelette et les muscles qui donnent les conditions mécaniques élastiques dans tout l’organisme. Cette orientation posturale pourrait être représentée schématiquement de la façon suivante :

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Quand le professeur Coghill parle de l’importance primordiale de la posture comme déterminant de l’action musculaire[19], il fait référence à ce principe qui fait que l’allongement d’une contraction musculaire due à une gouverne et un contrôle de la géométrie osseuse donne au muscle une puissance décuplée, mais passive, une élasticité extrêmement résistante et des performances physiologiques accrues qui en font un élément primordial de la “Doctrine de l’action antagoniste et de l’avantage mécanique” (Alexander, F.M., “L’héritage suprême de l’homme”, version 1909).

La solution de l’usage normal du mécanisme postural passe par ces forces élastiques qui naissent dans le muscle contracté qui s’allonge sous l’effet de la géométrie des os.
Comme je l’ai déjà fait remarquer, le principe mécanique simple induit que la volonté ne doit pas être dirigée vers les muscles, pour les relaxer ou les contracter, mais bien au contraire sur des relations appropriées de la géométrie osseuse du torse qui peut imposer aux muscles un allongement qui donne à la structure en totalité un comportement élastique, résistant et cohésif.

En étudiant le mécanisme du torse, j’ai pu établir que la plupart des “postures”, comprenant toutes les déformations du torse, pouvaient être décrites suivant un système de codage d’actions des quatre parties du torse -je me suis inspiré pour cela du système de codage d’action de Delsarte.

J’avais ainsi reconstruit le système d’actions antagonistes du jeune Alexander sous un format compréhensible par la volonté pratique de tout élève qui peut faire appel à son intellect verbal.

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Il ne me suffisait plus dès lors que de décrire une géométrie de la structure du torse qui répondent aux rapports souhaités par Alexander (“cou libre, tête vers l’avant et le haut et dos qui s’allonge et s’élargit”), de laisser la volonté pratique faire le reste en étant guidée de manière rationnelle par une décomposition du mécanisme du torse et d’affiner le modèle jusqu’à ce que la manifestation physique de ces directions correspondent au modèle et aux promesses de dextérité et d’amélioration du fonctionnement[20] faîtes par le jeune Alexander dans ses livres…

4 unités daction du mécanisme du torse
4 unités d’action du mécanisme du torse
  • Le cou est libre dans la mesure où :
  • les vertèbres assurent le meilleur support coordonné et,
  • les muscles qui traversent le cou sont tous dans un état élastique (contractions d’allongement).
  • La tête va vers l’avant et vers le haut si aucun des muscles qui la relie au torse ou aux membres ne sont raccourcis ou relaxés,
  • Le dos s’allonge et s’élargit si les os du thorax sont dans des rapports géométriques précis (que nous allons voir) avec les membres, et ce, quelle que soit l’orientation du torse dans l’espace.

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Des moyens schématiques pour subordonner la volonté pratique

Tous les schémas et diagrammes qui vont suivre sont inspirés du “système de codage d’action” de Delsarte, mais ils n’appartiennent ni au Système Delsarte ni à la technique Alexander moderne : les deux pédagogies ont perdu toute trace des principes de décomposition de la volonté pratique qui vous ont été présentés durant ce stage.

Les schémas sont des auxiliaires qui permettent de donner aux ordres de guidage verbalisés :

  • une signification spatiale indiscutable, mais aussi,
  • une signification relationnelle, ce qui veut dire qu’aucun ordre n’existe isolément des autres ordres et qu’ils ne prennent sens que lorsqu’ils sont effectués tous ensemble.

Toute aide pour un développement progressif doit se conformer au principe de projection d’ordres de guidages et de contrôles dans la bonne direction – ou directions – avec l’emploi simultané de positions d’avantage mécanique, sans tenir compte de la justesse ou fausseté des résultats immédiats. Il se peut que le résultat ne soit pas satisfaisant aujourd’hui et demain, ou durant la prochaine semaine, mais si la position d’avantage mécanique est employée et que les ordres et les contrôles dans la bonne direction sont gardés à l’esprit et projetés encore et encore, une situation nouvelle et correcte surmontera tôt ou tard la vieille situation vicieuse et s’établira de façon permanente. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 121)

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Donnez des cours à votre réflection

C’est en lisant les conseils d’une professeur du Système Delsarte à ses élèves que j’ai compris la signification de l’expression “projection d’ordres de guidages et de contrôles” avec un “s”. Quand le jeune Alexander s’est installé à Melbourne, il enseignait le Système Delsarte. Il devait conseiller à ses élèves comme c’était le cas pour ceux de Mademoiselle Stebbins (la professeur américaine en question) de “donner des cours à leur réflection” : “Je vous ai déjà conseillé d’utiliser des miroirs, je réitère maintenant mon conseil : aller donner ces leçons à votre réflection, et, je vous en conjure, soyez strict avec lui ou avec elle”. (Stebbins, G. 1885[21])

Tout à coup, j’ai compris d’une autre manière l’idée de projeter des directions qu’Alexander utilise constamment dans ses écrits : il ne s’agit pas bien sûr de conduire l’énergie dans le corps (dans les muscles – voir Guider les muscles consciemment : une impossibilité pratique), mais, selon la définition littérale d’envoyer une image sur le miroir, ce que je traduis par diriger la volonté pratique pour que les relations géométriques entre les parties du torse correspondent au modèle DANS LE MIROIR. De cette façon, l’étudiant peut passer du connu (ce qu’il ressent comme juste ou agréable) à l’inconnu (une unité concertée), en toute tranquillité. Si votre stature s’allonge en totalité DANS LE MIROIR en suivant les instructions du modèle concerté, si votre dos s’allonge et s’élargit, que votre cou se libère (visuellement) alors que vous vous sentez tiraillé de toutes parts, il s’agit bien entendu d’un autre de ces moments critiques où il faut remettre en question votre appréciation sensorielle.

Dès 1857, Delsarte prévenait ses élèves que les sensations associées aux nouveaux ajustements (corrects) ne correspondraient en rien à leur habitudes sensorielles, et qu’ils allaient se sentir mal en développant leur liberté d’expression :

Ne craignez pas la fracture ou la dislocation de vos membres alors que vous cherchez à les rendre fluides, à les modeler d’après le modèle, le “type” que vous avez devant vos yeux. Labor omnia vincit[22]. De toute manière, soyez persévérants. Le noviciat et l’apprentissage sont difficiles dans toute profession. (Delsarte, Delaumosne on Delsarte, 1893, p. 87)

Le “guidage conscient” n’est pas contenu dans le modèle. Le modèle doit être mémorisé et tenu présent à l’esprit, mais c’est à travers le travail sur soi-même-vu-comme-les-autres-nous voient, c’est-à-dire le travail sur notre réflection, que le guidage conscient sera lentement amélioré.
Le “guidage conscient ” est une potentialité qui doit être développée par un travail quotidien sur notre réflection.

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De cette manière, la volonté pratique peut être “décomposée”, divisée pour diriger les parties qui constituent le tout, en utilisant des ordres de guidage pour commander les différentes parties du torse de telle sorte à imposer des tractions antagonistes à tous ses muscles. Sur le dessin schématique donné ci-dessus, je montre comment le mécanisme du torse peut-être conçu géométriquement (conception correcte) de telle sorte à devenir un contrôle primaire du mécanisme postural selon le principe d’actions géométriques antagonistes. Si les quatre zones du torse sont ajustées simultanément en opposition les unes aux autres selon le modèle proposé, la stature sera la plus grande possible en longueur et largeur, modifiant totalement les réactions posturales de l’individu qui utilise ainsi sa volonté pratique.

Chaque partie du torse est associée à un trait anatomique distinctif :

  • le “sacrum” pour le bassin et les trois dernières lombaires (lombaires 3, 4 et 5),
  • la “côte” (côte 8 sur l’arche costale) pour diriger les 5 vertèbres suivantes (lombaires 1 & 2 et thoraciques 12, 11, 10, 9, 8 ),
  • les “parties supérieures des bras” pour diriger les vertèbres thoraciques 7, 6, 5 et 4),
  • la “gorge” pour diriger les vertèbres thoraciques 3, 2 et 1.

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Les instructions verbales et les dessins explicatifs

Cette présentation schématique ne montre cependant pas les commandes précises qui sont indispensables pour obtenir la manifestation physique désirée. Les voici, sous forme diagrammatique et verbale :
directions Antagonistes du mécanisme du torse
Chacune des flèches sur le diagramme correspond à une direction de traction géométrique que j’assigne à ma volonté pratique, sachant que j’inhibe toute volonté d’effectuer une commande isolément des quatre autres (les commandes verbales doivent être fondues en un seul faire) :

  • En position assise, je tire le Sacrum au plus PROCHE des Cous de Pied, avec les Bases des Cuisses tirées LOIN des Cous de Pied (pour empêcher l’effondrement des jambes en avant) et avec la ligne supérieure extérieure des cuisses parallèle à l’AVANT (axe sagittal) [pour élargir la partie inférieure du dos] et la ligne extérieure des pieds à la VERTICALE et PARALLELE à la ligne supérieure extérieure des cuisses; &
  • je tire les Yeux des Coudes pour qu’ils se regardent et qu’ils se voient et que les Yeux des Coudes soient situés sous la verticale des Parties Supérieures des Bras, [élargissement de la partie supérieure du dos]
    -Je tire les Parties Supérieures des Bras EN AVANT de la Ligne {Base des Cuisses | Côtes} et je tire les Parties Supérieures des Bras VERS les Bases des Cuisses, &
  • Je tire les Côtes en ARRIERE de la ligne verticale des Parties Supérieures des Bras, &,
  • Je tire les Côtes LOIN des Bases des Cuisses pour allonger la Ligne {Base des Cuisses | Côtes}, &
  • je tire les Parties Supérieures des Bras LOIN l’une de l’autre pour réaliser une Ellipse en ouvrant la gorge (déployer la ‘gorge’) – voir schéma ci-dessous :
    image

Les flèches vertes indiquent la direction de la traction des Parties Supérieures des Bras (par l’intermédiaire des omoplates) sur les 3 premières côtes. De cette manière, la Gorge (l’avant du sommet du sternum) continue à être tirée EN ARRIERE des Parties Supérieures des Bras (si l’on plaque une baguette sur les 2 parties supérieures des bras, il doit y avoir un espace de quelques centimètres entre la baguette et la gorge) sans que les Côtes (côtes8 ou arche costale frontale) ne soient projetées en Avant. Le passage de la gorge (un cercle constitué des vertèbres thoraciques, des côtes, du ligament costal et du sternum) s’ouvre en largeur pour devenir une ellipse qui permet aux poumons de prendre leur place en arrière du corps vertébral. J’ai indiqué en pointillés la position “en flexion” (ployée) de la côte. On constate ainsi l’ouverture du passage et un étirement significatif du cartilage costal quand les Parties Supérieures des Bras sont tirées loin l’une de l’autre.

image

Sur cette vue de face, on voit que la traction des Parties Supérieures des Bras sur les premières côtes est possible quand les omoplates sont loin en avant de l’arche costale – dans ce cas, les omoplates ne sont plus appuyées sur les 3 premières côtes qui deviennent libre de bouger en arrière. En conséquence de la traction antagoniste des Parties Supérieures des Bras LOIN l’une de l’autre [instruction verbale originale de F.M. Alexander] représentée par les deux grandes flèches vertes, les omoplates

  1. tirent les 3 premières côtes en arrière par rapport aux vertèbres (ouvrant l’articulation costo-vertébrale et l’Ellipse) et, une fois que l’articulation est totalement ouverte,
  2. déploient aussi la gorge : la direction de la traction mécanique va tirer les les trois premières vertèbres thoraciques vers l’arrière vers l’aplomb des vertèbres suivantes sur lesquelles est appuyée l’omoplate, ce qui a pour effet de faire diminuer la cyphose thoracique et donc, de faire reculer et monter la gorge.

En travaillant avec une violoniste professionnelle, j’ai dû inventer un système facile à mémoriser pour compléter la dernière unité d’action (Ellipse). Il s’agit de la procédure intitulée “Violon” qui n’est pas destinée exclusivement aux violonistes, mais qui peut être enseignée à tous les élèves.
Avec cette violoniste, j’ai pu constater la chose suivante : quand la gorge s’élève chez une personne peu coordonnée (sous l’effet de la volonté pratique dirigée raisonnablement avec le modèle Ellipse), on ne constate pas la mise en place d’une nouvelle coordination de la tête (“tête vers l’avant et vers le haut”), mais au contraire, la tête a tendance à continuer à être tirée de plus belle en arrière et en bas (ce qui n’est pas le cas chez les jeunes enfants de 5 à 7 ans). Il est donc nécessaire de modifier les habitudes mentales et les conceptions de l’élève en ce qui concerne l’usage de la tête et des yeux.

Le violon imaginaire que nous allons utiliser est un objet précieux qu’il ne faut pas faire tomber. De ce fait, l’élève va mettre en place une règle de protection en 4 points :

  1. le menton ne doit pas être relevé, éloigné de la Gorge (sous peine de faire tomber le violon); au contraire, le menton doit être volontairement appliqué sur le violon pour le maintenir dans une “PINCE”;
  2. en conséquence, les globes oculaires doivent être libres de bouger sans affecter le mouvement de la tête; sinon, dès que l’élève lève les yeux, le violon tombe ;
  3. la Gorge doit être aussi organisée de façon continue en Ellipse : ce qui fait reculer et monter la Gorge et maintient la “PINCE” par le bas ;
  4. le menton doit être tiré vers les “cordes” ; il ne doit pas rester au bord du violon (tête tirée en arrière) – enfin, dans ce mouvement du menton vers l’avant, il faut garder à l’esprit que les Oreilles (trou du canal auditif) doit rester aussi loin que possible de la gorge et ne pas descendre vers celle-ci.

Sur cette photo montrant Alexander installant la relation entre la tête et le torse de cette jeune femme, on peut noter qu’il a ajusté les différents os de telle manière à ce que :
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  • le menton de l’élève est très loin en AVANT maintenu par l’index gauche de F.M. Alexander, (l’oreille ou canal auditif de l’élève est au-dessus de la verticale de la Gorge)
  • les Parties Supérieures des Bras sont (presque) en avant de la gorge,
  • le menton n’est pas soulevé (Alexander utilise son pouce gauche à l’arrière de la tête de l’élève pour l’empêcher de se lever et de raccourcir les muscles à l’arrière de la nuque),
  • la Gorge est maintenue EN ARRIERE (antagonisme entre Gorge et menton), donc soulevée pour maintenir le violon (Alexander tire la clavicule en arrière pour maintenir la Gorge au plus haut avec son majeur et son petit doigt).
  • l’Oreille de l’élève est maintenue au plus haut, au plus loin de la Gorge par l’allongement du majeur, annulaire et auriculaire loin de l’index et le pouce complète la direction de la tête vers le haut.

(Il est à noter que toute cette manipulation externe est caractéristique du “Cube de la Main” et de la “loi des oppositions” de son maître Delsarte.)
En conclusion, les procédures de l’Ellipse et du Violon sont indissociables et elles peuvent être combinées par l’élève elle-même comme sur le schéma ci-après qui ne présente pas de manipulations externes (manipulations par un professeur), mais une manipulation interne (par la volonté de l’élève).

directions de la procédure du Violon
directions de la procédure du “Violon”

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Fin

Lors du stage, vous avez pu commencer à :

  1. apprendre un modélisation géométrique de la structure anatomique idéale, avec des points anatomiques précis, des lignes et des directions précises montrant les relations antagonistes souhaitables entre les parties de l’ensemble (tous les rapports devant être explicites et cohérents) ;
  2. inhiber le guidage habituel (refuser de faire en fonction de ce que l’on sent, c’est-à-dire accepter des tractions musculaires antagonistes inconfortables créées par la disposition indiquée par le modèle géométrique des os de la structure anatomique),
  3. guider la volonté avec ce modèle, en se donnant des ordres à soi-même pour diriger une activité concertée des différents repères anatomiques;
  4. vérifier que l’activité ainsi dirigée produit une manifestation physique qui correspond objectivement (miroir ou photo) avec le modèle explicite choisi. (Sinon, revenir au point n°2).
  5. pratiquer le guidage et le contrôle conscient dans des activités de plus en plus adverses en suivant les points n° 2 et n° 3.

Si vous souhaitez poursuivre cette étude, vous pouvez me joindre par mail jeandomasoero.iat@gmail.com pour réserver un cours (à Paris, à Montreuil ou par Skype) ou pour organiser un autre stage.

Si vous avez des questions sur cette présentation, n’hésitez pas à me contacter.

Bon Travail.

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Notes


  1. Je suis en train d’écrire un article sur l’histoire de la rencontre entre Alexander et le Système Delsarte, qui donne des indications historiques sur la probabilité d’un lien direct et qui compare tous les concepts de la technique Alexander avec ceux que l’on peut maintenant trouver dans les manuscripts de Delsarte. (Ce texte est en anglais)  ↩
  2. Le jeune Alexander a certainement rencontré un des disciples de Camille Auguste Achille Delsarte, frère et élève de François Delsarte à l’Académie Royale de Musique à Paris, qui a vécu et enseigné plus de vingt-cinq ans en Tasmanie (la terre de naissance de F.M. Alexander). Dans un article à paraître, j’ai montré que la parenté entre les concepts des deux hommes est tellement forte qu’il semble bien qu’il y ait eu une transmission directe ou semi-directe entre les deux enseignants.
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  3. Pendant qu’il reste sous la gouverne de l’esprit subconscient, le genre humain ne peut pas s’adapter facilement aux conditions en changement continuel et rapide imposées par la civilisation. Une norme adéquate de perfection ‘mentale’ et ‘physique’ implique une adaptabilité qui permette à une personne de se détourner facilement d’une occupation qui fait appel à un certain jeu de muscles pour se consacrer à une autre qui implique des actions musculaires totalement différentes. Sous la présente gouverne subconsciente, un transfert aisé de cette sorte est à même d’être, pour le moins, une chose fort rare. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, “*La gouverne et le contrôle conscients en pratique”, Trad. Jeando Masoero, p. 188)  ↩
  4. Dewey, J. in Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 21  ↩
  5. Vygotsky, L.S. “The Problem of Practical Intellect in the Psychology of Animals and the Psychology of the Child.” In The Collected Works of L. S. Vygotsky, edited by Robert W. Rieber, 3–25. Cognition and Language. Springer US, 1999. http://link.springer.com/chapter/10.1007/978–1–4615–4833–1_1.  ↩
  6. Aussi loin que nous puissions voir, rien n’était encore arrivé qui puisse lui faire suspecter que son appréciation sensorielle n’était plus fiable ou que son niveau de coordination n’était pas satisfaisant, ou qu’en adaptant ses mécanismes d’une manière spécifique à de nouvelles activités, il pouvait être en train de leur porter préjudice d’une manière générale, et ainsi, qu’il pouvait ouvrir la voie à une détérioration générale. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 70)  ↩
  7. La créature civilisée ne manifeste rien de tant soi peu approchant dans son niveau de précision dans l’emploi de l’organisme dans les sphères de l’activité concernées par la préservation de soi. En d’autres termes, l’être humain civilisé ne jouit pas du même niveau de qualité de la direction et du contrôle effectifs que l’homme primitif ou l’animal sauvage, et c’est ce manque de niveau de qualité adéquat chez la créature humaine qui se manifeste en tant qu’insuffisance dans certaines sphères d’activité. […] Il existe une connexion étroite entre le défaut qui est reconnu comme «inattention» et le défaut qui se manifeste comme une réponse sérieusement diminuée à un stimulus d’une action (ou de plusieurs actions) d’autopréservation. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 50)  ↩
  8. “De plus, dans toute cette question de l’emploi du contrôle central (primaire), le travail effectué par les physiologistes et les anatomistes n’a jamais été assez global pour qu’ils puissent acquérir l’expérience pratique nécessaire pour décider : • quand le contrôle primaire des mécanismes posturaux travaille normalement ou anormalement de telle sorte à pouvoir estimer son influence sur ces mécanismes, • qu’est-ce qui constitue un emploi normal ou anormal du contrôle central (primaire) relativement à un usage intégré des mécanismes psycho-physiques dans leur totalité (en tant que tout) et, en conséquence, • qu’est-ce qui constitue une activité normale ou une activité anormale des mécanismes posturaux”. (Alexander, F.M., La Constante Universelle de l’Art de Vivre, Trad. Masoero, J.D., p. 163)  ↩
  9. Ce commentaire est vrai pour la période moderne : il semble que certains métiers aient été enseignés avec des indications précises d’ajustement de la structure anatomique jusqu’au XIXe siècle (chez les compagnons charpentiers par exemple).  ↩
  10. Le processus que je viens de décrire est un exemple de ce que le professeur John Dewey a appelé «penser dans l’activité». Quiconque le mettrait en pratique fidèlement en essayant d’arriver à une fin se rendra compte qu’il est en train d’acquérir un nouvelle expérience de ce qu’il appelle «penser». Mon expérience quotidienne de l’enseignement (- de cette méthode -) m’a montré qu’en travaillant pour une fin donnée, nous pouvons tous projeter une direction, mais, continuer à donner cette direction alors que nous en projetons une seconde, et continuer à donner ces deux pendant que nous en ajoutons une troisième, et continuer à garder ces trois directions actives pendant que nous procédons à gagner notre fin, s’est révélé être le «pons asinorum » de tous les élèves que j’ai pu rencontrer jusqu’à aujourd’hui. (Alexander, F.M., L’Usage de Soi, 1934, Trad. Masoero, J.D., p. 45)  ↩
  11. Pour passer de conditions fausses à des conditions justes associées à la posture et au fonctionnement, il faut nécessairement un changement, et, si une personne peut réussir à faire ce changement, ce doit être par un processus graduel, de jour en jour, de telle sorte qu’il ne soit pas retardé par les effets : • des réajustements de la structure osseuse, des viscères abdominales et des organes vitaux, • des interférences dans le sens habituel de l’équilibre et, • de l’influence troublante des expériences qui consistent à faire ce que l’on ressent comme faux (pour être juste). (Alexander, F.M., La Constante Universelle de l’Art de Vivre, Trad. Masoero, J.D., p. 127)  ↩
  12. Chaque fois qu’une personne décide d’atteindre une «fin» particulière (que cette «fin» soit le développement de possibilités ou l’éradication de défauts, particularités ou mauvais usage) sa procédure sera basée sur l’un des deux principes que j’ai appelés le principe du «finalisme» [‘end-gaining’ en anglais] ou le principe des «moyens par lesquels». Le principe du «finalisme» implique une procédure directe de la part de la personne essayant d’obtenir la «fin» désirée. La procédure directe est associée à une dépendance envers la gouverne et le contrôle subconscients, ce qui amène, lorsqu’une condition de mal coordination est présente, à un usage insatisfaisant des mécanismes et à une augmentation des défauts et manies qui existent déjà. (Alexander, F.M., Vers un Contrôle Constructif Conscient de l’Individu, Trad. Jeando Masoero, p. 40)  ↩
  13. Bernsteĭn, N. A., Mark L. Latash, and Michael T. Turvey, eds. “On Dexterity and Its Development”. Resources for Ecological Psychology. Mahwah, N.J: L. Erlbaum Associates, 1996.  ↩
  14. Le contrôle spécifique d’un doigt, du cou, ou des jambes devrait être principalement le résultat de la gouverne et du contrôle conscients du mécanisme du torse, particulièrement des actions musculaires antagonistes qui font survenir ces coordinations correctes et plus globales destinées à contrôler les mouvements des membres, du cou, des mécanismes respiratoires, et l’activité générale des organes internes. (Alexander, F.M., L’Héritage Suprême de l’Homme, Trad. Jeando Masoero, p. 168)  ↩
  15. professeur de technique Alexander initiale  ↩
  16. le document qui présente cette étude existe en langue anglaise. Vous pouvez vous adressez à moi pour le réclamer ou suivre ce lien vers le pdf.  ↩
  17. “Quand la force appliquée à un muscle dépasse la force produite par la contraction du muscle, celui-ci va s’allonger en absorbant de l’énergie mécanique. Ces contractions d’allongement (anciennement contractions excentriques), qui résultent à la fois en un pouvoir de résistance et de stockage d’énergie élastique dans la posture et la locomotion, nécessitent très peu d’énergie métabolique tout en étant caractérisées par des productions élevées de force disponible”. (Lindstedt, S. L., P. C. LaStayo, and T. E. Reich. “When Active Muscles Lengthen: Properties and Consequences of Eccentric Contractions.” News in Physiological Sciences: An International Journal of Physiology Produced Jointly by the International Union of Physiological Sciences and the American Physiological Society 16 (December 2001): 256–61.)  ↩
  18. (Roberts, T. J., and E. Azizi. “Flexible Mechanisms: The Diverse Roles of Biological Springs in Vertebrate Movement.” Journal of Experimental Biology 214, no. 3 (February 1, 2011): 353–61. doi:10.1242/jeb.038588., p. 355)” (Roberts, T. J., and E. Azizi. “Flexible Mechanisms: The Diverse Roles of Biological Springs in Vertebrate Movement.” Journal of Experimental Biology 214, no. 3 (February 1, 2011): 353–61. doi:10.1242/jeb.038588.)  ↩
  19. La pratique de Monsieur F.M. Alexander dans le traitement du corps humain est fondée, telle que je la comprends, sur trois principes biologiques bien établis : • celui de l’intégration de l’organisme entier dans l’exécution de fonctions particulières, • celui de la sensibilité proprioceptive en tant qu’un facteur déterminant la posture, • celui de l’importance primordiale de la posture comme déterminant de l’action musculaire. (Alexander, F.M., La Constante Universelle de l’Art de Vivre, Trad. Masoero, J.D., p. ix, introduction du Pr. Coghill)  ↩
  20. L’amélioration du fonctionnement est principalement due à libération des organes et des tissus musculaires des pressions et distorsions imposées par les mauvaises dispositions (raccourcies) de la structure anatomique.  ↩
  21. Stebbins, G.“Delsarte System of Expression”, NewYork: Edgar S. Werner, 1885, p. 89.  ↩
  22. Le travail (sur soi-même) vainc toujours  ↩

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